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De la rupture... "Sauver nos vies", chapitre 1: Sans toi

La douleur de la rupture amoureuse ne se confond pas avec celle du deuil qui fait suite à la mort de l'aimé. Survivre à la séparation d'avec un vivant qui s'éloigne ou d'avec un défunt n'est pas la même chose. On parle de "travail de deuil" pour toutes les pertes auxquelles nous sommes confrontés, quelles qu'elles soient. D'une certaine manière se séparer avant la séparation de la mort, c'est expérimenter déjà l'oeuvre de la mort avant de mourir. C'est le deuil définitif d'une relation avant le deuil définitif de la personne. Cela n'est pas moins douloureux, mais il ne s'agit pas du même chagrin, de la même blessure.

Une forme de relation peut survivre à la disparition du défunt, qui n'est certes plus la relation charnelle, vivante, mais une sorte de lien entretenu par la pensée, les souvenirs. La certitude que c'est fini, qu'on ne reverra plus la personne crée une sorte de stupéfaction devant le caractère définitif de l'absence. Mais la mort ne met pas nécessairement un terme à la fidélité au défunt. Elle peut même soustraire la relation aux vicissitudes du temps, à la lassitude, à l'ambivalence des sentiments, en la magnifiant. Si lors d'une rupture amoureuse il s'agit bien de se confronter à la perte d'une présence, l'être aimé est toujours vivant, il est seulement sorti de notre vie, il vit hors de nous, sans nous. C'est la relation amoureuse qui meurt définitivement. L'être le plus proche devient le plus étranger. C'est une autre violence que celle de sa mort. Elle peut conduire au désir du meurtre réel ou symbolique pour rendre la douleur de la perte, ou pire de l'indifférence, plus supportable.

Les nouvelles amours ne prennent jamais la place des premières. Elle nous transportent simplement ailleurs, sur d'autres rives, en donnant à nos vies des intensités et des inflexions inédites. Elles nous transportent simplement ailleurs, sur d'autres rives, en donnant à nos vies des intensités et des inflexions inédites. Cependant, des traces subsistent des amours passés, fous rires partagés, tendres vacheries, rituels secrets, ébauches de geste, tics de langage qui jettent soudain le trouble dans le présent de nos vies et laissent nos corps tremblants au souvenir d'une complicité perdue. Le temps ne peut rien y changer, à peine rendre la douleur de la perte moins vive. Sans chercher à être délivré à tout prix de la mélancolie que suscite cette perte, il est possible de faire une place au manque -sans en mourir ni s'enliser dans le vide de l'absence.

La volonté de sauver le sens et la beauté d'une relation qui a tenu une grande place dans notre vie, d'un amour qui a été et qui n'est plus n'a rien à voir avec une gestion assurantielle de la vie. Car on ne peut pas maximiser la vie en transformant toute perte en don, tout échec en victoire. Tout n'est pas don, tout n'est pas grâce. Il existe des pertes irréversibles, des souffrances sans réparation. Et la question de l'indestructible, de ce qui peut être repris, transformé, sauvé n'a de sens que face à la prise en compte de ce qui est irrémédiablement détruit.

Sans toi, l'existence n'est tout simplement pas possible. Cet aveu est doublement vertigineux. Il témoigne d'une incapacité à porter sa vie tout seul sans éprouver la sensation d'une perte de soi. Et il suppose que tout amour représente une menace d'anéantissement subjectif car, dès que j'aime, je cesse de m'appartenir; je m'en remets à un autre, les yeux fermés, pieds et poings liés, en cette région de passivité où je suis affecté, hypnotisé, et où j'espère être rejoint. Cette composante passive de l'amour est difficile à admettre car elle est sujette à de multiples risques d'effraction, d'empiètement, de dévoration, de délaissement, de trahison intolérables. Qu'est-ce que je cherche dans le péril d'un pareil abandon où je ne suis pas certain de pouvoir me retrouver ? Ce que je ne peux trouver en moi-même, ce qui est le plus indispensable à ma vie et qui ne se réduit pas précisément à ma vie. Comment accorder son amour à quelqu'un sans passer par cette expérience du dessaisissement de soi ? On peut certes mourir vivant de cet abandon, mais davantage encore de l'incapacité de pouvoir s'abandonner. Pour commencer à aimer, il faut affronter cet espace vertigineux où je me libère de l'attachement à ma liberté et consens à la possibilité de me perdre.

https://www.youtube.com/watch?v=5Gzng3RhYfw

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