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La lecture comme moyen d'expansion

Enfant, on m'a souvent dit que j'étais très mature, que je faisais plus que mon âge, la taille aidant. Adulte, on m'a souvent dit que j'étais une vieille âme, que cette précocité, cette quête de sagesse, était le signe que j'avais déjà vécu de nombreuses vies... Mummo Ilta sanoi joskus, hämärästi : Lucie'llä on vähän 'hienompi luonne'. (Ma grand-mère Ilta disait parfois, d'une manière assez énigmatique: "Lucie a une nature plus fine, plus subtile"; NDLT: formule énigmatique car 'hieno' en finnois veut dire à la fois beau, bon, fin (ou raffiné, comme le sucre en poudre: hieno sokeri), élégant... et que je ne savais pas trop ce qu'elle voulait dire par là, sans doute disait-elle cela lorsqu'elle remarquait la précocité de mes réflexions). Ma mère a toujours trouvé que j'étais fine psychologue (et que je me faisais des "nœuds au cerveau"). Le père de mes enfants en me voyant pour la première fois (j'avais 24 ans ) dans une soirée parisienne, fumant une cigarette, accroupie en haut des marches d'un escalier, observant les danseurs, m'a dit plus tard qu'il avait été frappé par ma posture et que j'avais quelque chose d'un vieux sachem. Un ami, à qui le yoga et la méditation ont permis de développer des dons de médiumnie pendant ses soins, m'a dit plusieurs fois qu'il sentait en moi une âme complexe, multifacettes et qu'il avait beaucoup d'images qui lui venaient lorsque je le massais. Et c'est vrai qu'à 18 ans, découvrant mon premier cheveu blanc, je faisais déjà mien ce vers de Baudelaire: "J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans". Au point qu'il m'est arrivé avant l'âge de 40 ans de me sentir déjà lasse de vivre, d'avoir un désir de fin, de 'résolution' comme on dit en musique quand la dernière note de la gamme appelle l'octave de la fondamentale. L'envie que tout s'arrête. Je ne vivais pas ces moments de "nuit noire de l'âme" comme une pulsion morbide (je n'ai jamais pensé sérieusement mettre fin à mes jours, je savais que je touchais le fond pour mieux remonter à la surface, j'ai trois enfants merveilleux que j'ai toujours voulu voir grandir), mais comme un trop-plein de vécu, une trop grande intensité des sentiments, qui use le Coeur, le Shen, prématurément. En lisant cette citation partagée par Ety, je me dis qu'en vérité je n'ai jamais rien eu d'exceptionnel (même si mon ego se flatte de cette facilité), ma mère a su me donner envie de lire et la lecture a juste développé chez moi un potentiel. Je me rappelle que j'ai appris à lire sans effort, à 4 ans (là encore, parce que ma mère m'a énormément lu de livres dès le plus jeune âge, pas parce que j'aurais eu un don particulier... je me souviens de l'excitation, de l'avidité avec laquelle je lisais tous les panneaux, les enseignes dans les rues -à m'en donner la nausée- quand je me suis rendue compte que je savais lire !), et que j'ai beaucoup lu, des centaines de livres... J'ai lu les romans d'Astrid Lindgren sur Peppi Pitkätossu (Fifi Brindacier) dès l'âge de 7 ans, toutes les oeuvres de la Comtesse de Ségur, "E=MC2 Mon amour" de Patrick Cauvin, les "Nouvelles extraordinaires " d'Edgar Poe et "L'Ecume des Jours" de Boris Vian à 11 ans... Récemment j'ai relu dans un livre l'expression vieillie "bassiner les tempes" (c'est à dire humecter le front et les tempes d'un malade) et je me suis senti exulter. En CM2 à Monastir, mon instituteur avait souligné en rouge cette expression dans une rédaction où je l'avais employée à bon escient; il ne la connaissait pas, tout bonnement.

En arrivant à Nouméa en octobre 1990, j'ai 'perdu' 6 mois de ma scolarité, car l'année scolaire débute en mars; en ce temps sans internet, et sans smartphone, où je ne connaissais personne et où je ne pouvais pas faire de rencontres, n'ayant pas repris la classe de 4e débutée pendant un mois à Châtenay-Malabry, que me restait-il sinon la lecture, le cinéma ? Pendant ces 6 mois, j'allais presque quotidiennement à la bibliothèque Bernheim emprunter des livres au rayon jeunesse, et rapidement au rayon adulte, car je dévorais un roman 'jeunesse' en une journée. Je n'ai appris à aimer les bandes dessinées et les romans graphiques que bien plus tard, je dédaignais ces formats illustrés, qui se lisaient trop vite... Ma soif de mots était insatiable.

Je me souviens de mon émoi en découvrant vers 13 ans et demi les scènes érotiques poignantes de "Mes nuits sont plus belles que vos jours" de Raphaëlle Billetdoux, ou du style poétique et cru du narrateur dans "Les Enfants de l'aube" du nègre génial de Patrick Poivre d'Arvor.

Avec cette hypersensibilité linguistique, littéraire, héritée de ma mère (qui parle couramment finnois, français, anglais, et a toujours eu le génie des langues), de ma grand-mère Jeannine Labreuille (qui m'a donné ses vieux livres de mythologie grecque) et de ma tante Annick Labreuille (qui m'a offert enfant tant de beaux livres au Mille Pages de Vincennes), vibrant au son de ces récits auxquels mon imagination donnait des couleurs flamboyantes, c'est au fond comme si j'avais vécu toutes ces vies ! C'est sans doute la fréquentation assidue des auteurs qui me vaut ce bagage.

Lisez, lisez ! aux enfants tout petits, aux bébés même !

Quelle richesse ! Quelle profondeur !



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